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Les procédures de contumace française et italienne à l’épreuve des droits de l’Homme

Alexandra Turchetta*

Le Conseil européen, réuni à Tampere en octobre 1999, a estimé que le principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice devrait devenir la pierre angulaire de la coopération judiciaire, tant civile que pénale, au sein de l’Union Européenne. Néanmoins, à l’heure d’une Cour européenne des droits de l’Homme toujours plus sévère et entreprenante, un Etat ne saurait admettre de reconnaitre une décision juridictionnelle étrangère sans s’être préalablement assuré du respect au cours du procès d’un certain nombre de droits fondamentaux, dont en particulier le droit à un procès équitable visé par l’article 6 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

La contumace, état de celui qui, accusé d’un crime, ne comparaît pas, ou s’est échappé avant que le verdict ne soit prononcé, est une procédure pénale rejetée par les pays de Common Law, et traditionnellement retenue par les législations des pays de tradition romano – germanique.

La pertinence du jugement in abstentia dans les procédures pénales européennes fait cependant l’objet de discussions. En effet, en l’omettant, on permettrait indirectement des dénis de justice, qui sont prohibés par la Cour européenne des droits de l’Homme, et l’Etat s’exposerait donc à une sanction, comme l’illustre l’arrêt Anagnostopoulos contre Grèce rendu le 3 avril 2003.

Au contraire, admettre une telle procédure suppose de l’encadrer strictement afin que les droits de la défense du contumax soient respectés, sous réserve pour l’Etat de se voir condamner au titre du même article 6.

Tel a été le cas respectivement de la France et de l’Italie. La France, par l’arrêt Krombach contre France en date du 13 février 2001, puis par l’arrêt Mariani contre France rendu le 31 mars 2005, s’est précisément vue réprimandée par la Cour européenne en raison de sa législation sur la contumace. De même, la Cour de Strasbourg a rappelé à l’ordre l’Italie à deux reprises, le 18 mai 2004 dans une affaire Somogy, puis le 10 novembre de la même année dans l’arrêt Sejdovic contre Italie.

La Cour a estimé que le droit français, qui ne permettait pas au contumax de se faire représenter par un avocat et qui ne lui permettait pas de faire examiner sa condamnation par une juridiction supérieure, ne respectait pas les droits de la défense protégés par l’article 6 de la Convention Européenne des droits de l’Homme, ni le droit à un double degré de juridiction en matière pénale consacré à l’article 2 du Protocole 7 de la Convention.

De même, la législation italienne a été estimée contraire à l’article 6 de la Convention par trois condamnations successives. En effet, le gouvernement italien avait demandé le réexamen de l’affaire Sejdovic devant la Grande chambre de la Cour, ce qui lui a valu le 1er mars 2006 une troisième condamnation, la Cour insistant sur l’obligation pour l’Etat d’offrir un recours effectif, suffisant et accessible au contumax. Il était en effet reproché à la loi italienne de ne pas permettre la réouverture du procès dès lors que l’on pouvait présumer que l’accusé avait eu connaissance de l’instance et s’y était volontairement soustrait.

A la suite de ces condamnations successives, il semble néanmoins que ces Etats aient compris la leçon. La France d’abord, par une loi du 9 mars 2004, a remplacé l’ancienne procédure de contumace par celle dite de “défaut criminel” consacrée dans le Code pénal aux articles 379-1 et suivants. Le défaut criminel n’est aujourd’hui plus une procédure dérogatoire du droit commun, mais une procédure de droit commun aménagée en raison de l’absence de l’accusé. Le défaut criminel permet par ailleurs la défense de l’absent par un avocat.

L’Italie a également procédé aux modifications législatives nécessaires par la loi numéro 60 du 23 avril 2005 disposant qu’en cas de condamnation par contumace, le délai pour attaquer le jugement est rouvert, à la demande de l’accusé, sauf si ce dernier a eu connaissance effective de la procédure diligentée à son encontre ou du jugement et a volontairement renoncé à comparaître ou à attaquer le jugement.

Le gouvernement italien avait par ailleurs demandé à la Cour de Strasbourg, lors du renvoi de l’affaire Sejdovic devant la Grande chambre, d’évaluer la conformité de la nouvelle procédure de contumace issue de la loi de 2005 à la Convention. Dans sa décision du 1er mars 2006, la Cour européenne a néanmoins estimé qu’elle ne pouvait se prononcer sur ladite disposition, celle-ci étant trop récente. Il convient donc à nos deux Etats de prendre leur mal en patience, car seul l’avenir nous dira si leurs législations nouvelles sont conformes aux exigences des juges européens.

*Università di Strasburgo – Stage presso lo Studio Legale Di Vizio & Venezia – www.dviure.com info@dviure.com